Par Céline Renaudet-Calvo, psychologue
De par son caractère inédit, mais aussi menaçant (risque vital), l’épidémie du COVID-19 nous a tous plongés dans une période d’incertitudes et de stress prolongé et ce qu’importe notre situation (confiné seul(e) ou avec d’autres personnes). Les incertitudes ont été multiples : qu’est-ce que ce virus ? D’où vient-il concrètement ? Comment y faire face ? Qu’est ce qu’on a le droit ou non de faire ? Et pendant combien de temps ?
Tant de questions et si peu de réponses. Du fait que la situation est exceptionnelle, et ce à un niveau mondial, nos questionnements sont restés sans réponse pour la plupart. Pire, les communications de nos dirigeants ont parfois amené de nouveaux questionnements, et ont continué à embrouiller notre pensée par des directives floues voire incohérentes.
Ce stress prolongé, ces incertitudes et ces discours flous ont pu créer chez beaucoup un état d’anxiété. Face à l’imprévisible et à l’absence de non-réponse, notre imagination se déploie et les scénarios souvent peu réjouissants fusent, alimentant ainsi l’anxiété. Il n’y a qu’à aller faire un tour sur les réseaux sociaux pour s’en rendre compte : les gens exposent leurs peurs, leurs hypothèses sur les causes, mais également sur l’évolution, sans parler de tous les messages culpabilisants qui poussent à être productif même confinés, à faire la cuisine, faire du sport, etc.
Nos repères, nos rythmes ont été bousculés et il a pu être difficile de savoir comment s’y adapter.
Confinement en famille / couple
Ces changements ont pu créer des tensions au sein des couples et des familles. En effet, il est difficile de passer d’une cohabitation partielle (la majeure partie du temps les gens étant chacun à leur travail, et à l’école pour les enfants) à une cohabitation totale. Il faut alors trouver sa place, son rythme, ainsi qu’une entente concernant les enfants (école à la maison) et les tâches domestiques. Il est important de discuter entre vous de ce que cette période vous a fait vivre, de mettre les choses à plat, pour ne pas garder de rancœur. Tout en gardant en tête que le stress change notre façon de nous comporter, et de réagir face aux situations. Il est normal d’être plus à cran, irritable, moins patient.
Concernant les enfants encore à la maison, pour eux aussi la situation est complexe. Ils n’ont plus leurs copains et copines, voient leurs parents tout le temps et sont plongés dans un climat de stress et potentiellement de tension. Ils n’ont de plus plus d’espace où libérer leur énergie comme cela pouvait être le cas à l’école avec le temps des récréations et des repas. Par ailleurs, contrairement aux adultes, les jeunes enfants n’ont pas toutes les clefs de compréhension face à cette situation, et sont d’autant plus perdus. Il est donc important de discuter avec eux, de leur laisser un espace où déposer leurs craintes, leurs questions, leurs angoisses.
En tant que parent ne vous blâmez pas si vous vous êtes senti à un moment ou un autre dépassés par cette situation. Se retrouver à faire l’école à la maison, tout en jonglant avec le télétravail et l’entretien de la maison, le tout dans un espace assez restreint, sans véritable coupure, est épuisant. Il est important que les parents puissent s’entraider, ne pas tout faire reposer sur une seule et même personne. Si cela n’a pas été le cas, il est essentiel d’en discuter entre vous, pour ne pas accumuler de rancoeurs qui pourraient vous être délétères.
Outre les tensions mineures dues au contexte, les violences conjugales ont elles aussi explosé. La violence conjugale et les violences intra familiales plus globalement opèrent sous couvert de silence, et de la protection des murs du foyer. Ainsi avec le confinement et l’isolement qu’il a produit, celle-ci a particulièrement augmenté. Le stress, facteur favorisant la violence, ainsi que l’impossibilité pour les victimes d’échapper au foyer ou d’aller chercher de l’aide à l’extérieur, a contribué à sa perpétuation et son invisibilité.
Si c’est votre cas, si vous avez vécu de la violence (psychologique, physique, et/ou sexuelle), il est important que vous ne restiez pas seules. Au cabinet, nous sommes formés sur ces problématiques et pouvons vous aider.
Le covid, une situation potentiellement traumatique
Comme je le disais plus haut, certaines personnes ont pu développer de l’anxiété durant ces dernières semaines. Même sans être d’un naturel anxieux, le climat de stress, de danger, d’incertitude est propice à l’anxiété. Quand nous ne savons pas, il devient facile de tout imaginer. Par ailleurs, l’épidémie du covid possède deux facteurs que l’on retrouve dans les événements potentiellement traumatiques*, à savoir l’impuissance et le danger.
*Nous parlons de potentialité traumatique, car chaque personne réagit différemment selon sa propre histoire, son état psychique du moment, ses ressources, etc. Ainsi, pour les personnes confinées seules, privées de socialisation, le risque est plus élevé de développer un traumatisme, car privé d’une ressource principale pour faire face au stress.
L’impuissance a pu s’exprimer à différent niveau : de façon générale, à moins de faire partie de l’équipe travaillant sur un vaccin, nous n’avons aucun moyen direct d’agir sur l’épidémie, ensuite être confiné nous rend impuissants à agir alors que d’autres personnes sont en « première ligne » (soignants, employés des supermarchés, facteurs, livreurs, éboueurs, police, etc.), enfin le confinement nous laisse impuissants face à la détresse de nos amis et nos proches, mais aussi face à notre propre état. Ce sentiment d’impuissance a pu de surcroît être renforcé par la situation de danger, les deux s’auto alimentant. Face à un danger pour notre personne ou pour nos proches nous souhaitons agir au mieux, venir en aide, mais le manque d’information couplé au confinement est venu interférer, augmentant encore le niveau d’impuissance ainsi que le niveau de peur face à la situation.
Dans ces conditions, il est possible que vous ayez éprouvé diverses difficultés au fil des semaines : des difficultés d’endormissement (insomnie), un sommeil troublé par des cauchemars ou des réveils multiples, des difficultés dans votre alimentation (ayant pu être renforcés par la contrainte d’aller faire ses courses dans ce contexte, et les rayons vides), des crises d’angoisses, une diminution voire une perte de plaisir dans vos activités, etc. Ces réactions sont normales et universelles et ne vont pas forcément durer dans le temps. Elles sont reliées au contexte de stress et d’isolement. Il est toutefois important de surveiller leur évolution, et de noter si cela persiste dans le temps. Si c’est le cas, cela peut être le signe d’un traumatisme.
Covid et réactivation traumatique
L’autre problème majeur de cette épidémie, et de son caractère potentiellement traumatique, c’est qu’elle a pu réactiver chez certaines personnes des traumas anciens. L’impuissance et le danger de cette situation ont pu venir faire écho à d’autres situations similaires qui se sont alors réactivées pour la personne. Ainsi, les personnes ayant été victimes de violences ont pu voir leur mémoire traumatique (mémoire contenant l’ensemble des événements traumatiques passés) s’activer et ainsi revivre de nouveau ces violences. Ces réactivations ont également pu faire exploser une diversité de symptômes associés à ces violences : cauchemars, angoisses, douleurs somatiques, troubles des conduites alimentaires, image du corps négative, image de soi négative, comportements compulsifs, dépression, idéations suicidaires, etc.
Si c’est votre cas, il est important de consulter. Au cabinet, nous sommes formés à la prise en charge du trauma sous toutes ses formes et si c’est ce que vous souhaitez, nous pouvons vous aider.
Sur cette question, je vous invite à lire l’article de la psychologue Hélène Romano pour Ré’équi’libre, pour plus d’informations
Pour conclure
Cette épidémie est venue mettre à mal la santé mentale de tout le monde tant par son caractère anxiogène dû à l’incertitude, mais aussi dû à son risque vital, que par le sentiment d’impuissance qu’elle a provoqué. Le confinement, lui, nous a privés de ressources et de soutien pour faire face à ce stress et aux possibles réactivations traumatiques qu’il a engendrés. Il est important de pouvoir mettre des mots sur ce que vous avez vécu et ressenti durant ces dernières semaines, afin de ne pas laisser vos émotions s’enraciner et vous parasiter.
Dans ce cadre, un groupe de parole pourra vous être proposé gratuitement.
Écrire un commentaire